Réactions et opinions sur l'orchestre national de musique andalouse
Intervention de Mohamed SAADAOUI
Président et Professeur de l'association El Anasser
Cette intervention, je l'ai rédigée pour la lire, lors de l'émission "Arabesque" de A. MEZIANI, sur les ondes de la chaine III, le Dimanche 20 Avril 2008, pour apporter mon humble analyse, qui reste personnelle et n'engage que moi, et surtout dénoncer les agissements et le comportement, pour le moins pathologique, de son chef d'orchestre. Comme l'émission ne m'a pas permis de la lire entièrement, vu la durée et les nombreuses interventions, j'ai décidé de la publier pour qu'un grand nombre de mélomanes, de musiciens et de personnes intéressées par cette musique puissent en prendre connaissance et exprimer leur sentiment.
Parallèlement à mon intervention, je publirai celles des autres acteurs de ce patrimoine qui veulent bien apporter leur contribution et leur optique afin d'éclairer l'opinion publique et pour que cesse la mascarade.
Ce qui m’a fait réagir et motiver ma présence sur ce plateau est en fait un ensemble d’anomalies et d’irrégularités émanant du chef de l’orchestre national de musique andalouse et que je vais devoir synthétiser.
1. Ses déclarations indélicates à la télévision à une heure de grande écoute où il traite les musiciens andalous de « djuhala » et en commettant une plus grande indélicatesse en citant un défunt musicien, le regretté Si Mohamed Bahar. Si Mohamed Bahar lui aurait dit que cette musique a été élaborée et conçue par des musiciens savants et se trouve actuellement entre les mains de musiciens ignorants. Une déclaration pareille est une atteinte à la mémoire de quelqu’un qui a consacré sa vie à cette musique et qui a permis à Mr Guerbas, d’apprendre et d’entrevoir beaucoup de secrets que renferme cette musique traditionnelle. Il lui a également appris la technique du jeu de la Kwitra.
Je rappelle à toute fin utile que le vecteur principal de cette musique est constitué par ces valeureux adeptes et chouyoukhs, qui malgré l’absence de transcription et de moyens d’enregistrement et malgré les déperditions et les transformations opérées au cours du temps en raison de la défaillance de la mémoire humaine, ont pu nous faire parvenir et nous léguer ce trésor. Sans ces chouyoukhs, qui ne connaissent peut-être pas la grammaire musicale universelle mais qui possèdent les ingrédients nécessaires à leur tradition, cette musique se trouverait dénaturée. C’est donc grâce à ces chouyoukhs que nous avons tous percé les secrets de cette musique.
Autre déclaration à la limite du mépris et de l’indélicatesse était de dire, je cite : « j’ai essayé de collaborer avec des musiciens universitaires, connaissant leurs faculté d’analyse, je me suis rendu compte en fin de compte que vu leur apprentissage traditionnel, ils ne pouvaient être d’un apport conséquent ». Je réponds à ce propos, puisque je me sens directement viser par cette déclaration et en vertu du droit de réponse, permettez moi ces remarques et là je m’adresse directement à Mr Guerbas:
· Nous avions un projet en commun de transcription du patrimoine andalou et le projet a buté à votre niveau pour des raisons que j’ignore et que je lie probablement à l’indisponibilité. En effet, on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois, surtout quand on n’est pas résident permanent en Algérie. Seulement quelque temps après, vous m’apprenez qu’un éditeur vous aurez sollicité pour faire sortir un livre de 100 pièces andalouses transcrites et à ce moment là vous me demandez de vous donner les textes des poèmes que j’avais sur fichier informatique. Je vous ai transféré les donnés du fichier sur votre flashdisc en quelques secondes et voilà un acquis, qui m’a pris beaucoup de temps et d’argent, en votre possession gracieusement et rapidement surtout. Je suis sûr qu’il a dû vous servir pour les livres que vous avez montrés fièrement à la télévision et que vous venez de sortir. Le même jour, où je vous ai remis les textes poétiques, vous me demandez également de vous donner une ou deux transcriptions de touchias pour vous servir à votre conférence que vous deviez donner à Annaba. Là également, je n’ai pas hésité à le faire.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler, au passage, que je vous ai remis un document de 272 pages où figurait la transcription des touchias algéroises, certains beshrafs constantinois et certaines touchias tlemcéniennes en plus des pièces instrumentales turques et tunisiennes. Ce livre, je l’ai tapé de mes mains pour servir de programme de base à l’enseignement de mes élèves. Ces oublis sont-ils dus à une mémoire défaillante ou à une volonté délibérée de décréter le vide autour de vous ?
2. Les musiques traditionnelles, partout dans le monde, sont du ressort des musiciens de la tradition, eux seuls capables de donner la coloration spécifique de leur art. « Les traditions musicales appartiennent aux composantes majeures du patrimoine immatériel ; de fait, elles font partie du patrimoine universel de l'humanité au même titre que les monuments et les sites naturels ». Le site du Hoggar n’a rien avoir avec le Mont d’Everest. Croiser une musique ayant une essence et une coloration spécifique donnée avec une autre entité ayant des caractères différents nous emmène à la création d’une musique au phénotype hybride, c’est-à-dire d’apparence non pure même si ses géniteurs renferment les caractères de l’originalité. On ne peut donc pas demander à un musicien issu d’une tradition donnée ou d’une école donnée de mimer une autre tradition pour donner le reflet de l’originalité d’un patrimoine qui n’est pas le sien. Aucune pièce musicale vocale ou instrumentale jouée par l’orchestre national ne reflète fidèlement l’originalité et l’essence même d’un style donné. Il s’est installé un malaise chronique chez les musiciens de l’orchestre national puisqu’ils n’arrivent même pas à se retrouver dans leur propre style vue la non-conformité de l’exécution des autres musiciens issus des autres écoles et ceci explique le départ des musiciens confirmés ayant une grande expérience dans l’enseignement pour certains et/ou la pratique de leur art pour d’autres. Parmi ces musiciens, je cite : Boukli Hacène Salah, Belkacem Ghoul, Tewfik Belghebrit, Benali, de l’école de Tlemcen ; Djamel Bensemmar, Youcef Bounaas, Rabah Khettat, de l’école de Constantine ; Kamel Belkhodja, Anis M’hamsadji, Mohamed Boutriche de l’école d’Alger. Ces véritables pointures de ce patrimoine ont mal vécu le fait de voir l’essence de leur musique débridée et dénaturée et ne pouvoir ressentir la chaleur et l’émotion propre à leur style. Ils ne croient, par conséquent, pas à l’homogénéisation des styles. La diversité crée la richesse et vouloir être plus royaliste que le roi est une aberration qui ne possède malheureusement pas de traitement. Avec le départ de ces chevronnés et le refus des autres musiciens talentueux de rejoindre l’orchestre national, on se rabat sur le vivier des associations et là les incorrections surgissent. En effet, le chef de l’orchestre national contacte et fait miroiter l’éden aux jeunes élèves des associations en leur promettant monts et merveilles, comme il a le secret d’ailleurs, et se permet le luxe de s’offrir ces jeunes musiciens sans l’aval de leurs responsables pédagogiques. L’association El Djenadia qui a fait les frais de ces agissements est à l’arrêt en raison de la discorde résultant de ces comportements pour le moins irresponsables.
3. La distribution même des instruments dans cet orchestre ne répond à aucune logique d’équilibre sonore ou d’esthétique propre à cette musique. Le jeu du R’bab du chef d’orchestre n’est pas conforme au jeu traditionnel où cet instrument assure un rôle de soutien rythmique prépondérant. Dans l’orchestre national cet instrument n’est pratiquement pas audible et ne rempli pas, par conséquent, son rôle essentiel. Comment peut-on diriger un orchestre de plus de vingt musiciens avec un instrument aphone ? Ceci explique les déconfitures habituelles lors des changements de rythme et de style. La juxtaposition de plusieurs luths joués par des musiciens de différents styles ne peut entraîner qu’une cacophonie qui fait mal aux oreilles. Le but de la musique n’est-il pas de ravir l’oreille, l’âme et le cœur ? Un orchestre traditionnel, comprenant un ou deux instruments de chaque famille, permet aux musiciens de mieux s’exprimer et aux auditeurs de mieux apprécier puisqu’ils peuvent goutter au raffinement du jeu de chaque instrument. Maintenant, si on agrandit l’orchestre, c’est le nombre des violons qui doit augmenter en respectant un équilibre obligatoire entre contrebasse, violoncelles, altos et violons. Quant aux instruments à cordes pincées comme le luth, un seul par famille suffit et ceci dans un but essentiel de décoration de la mélodie, l’exécution des istikhbars pour garder la note nostalgique des groupes traditionnels. Dans l’orchestre national, c’est véritablement le désordre. Les musiciens ne sont pas répartis selon un ordre logique traditionnel ou même universel, par famille d’instruments, mais au contraire installé à l’emporte pièce. Certains musiciens tiennent leur violon entre les genoux, les constantinois ; les autres sur la cuisse, les algérois et les tlemceniens. Une kwitra entre les mains d’une débutante qui ne la joue pas selon la technique habituelle de l’instrument. Des musiciens qui discutent entre eux lors de la représentation. Toutes ces anomalies esthétiques et techniques donnent une mauvaise image de l’ensemble.
4. Depuis 5 ans, l’orchestre national n’a produit que trois extraits de nouba. Un programme dans le mode Dhil où on assiste à un autre désordre dans les modes, une touchia Dhil de Tlemcen couplée à un beshraf Raml el maya de Constantine, ensuite des pièces Rasd-Edhil et Maya et ceci par ignorance des choses et l’apprentissage sur les enregistrements. Dans le programme Mezmoum, on assiste à l’introduction de nouvelles compositions émanant du chef d’orchestre comme une touchiat Enasrafat, un prélude (Koursi) et surtout ce qui est grave le fait de vouloir greffer 2 parties à la touchia mezmoum traditionnelle, histoire de la compléter. Une oeuvre authentique, même si elle semble incomplète, ne doit pas être touchée et ceci par respect de l'originalité. Je dois dire que ces compositions n’ont aucunement l’esprit, l’essence et l’émotion du mode en question et de la musique andalouse, les influences se trouvant ailleurs. On assiste, également dans ce programme, au mélange de modes. Le Derdj Dhil « Hasbouka Allahou 'anni » du Malouf n’a rien à voir avec le mode Mezmoum même si on le transpose du Do au Fa pour avoir la tonique du Mezmoum. Le mode a une définition plus complexe que les simples intervalles constituant sa gamme. Dans la nouba Sika, on porte atteinte à la tradition en jouant un istikhbar avant la Mchalia et on imprime un rythme tlemcenien à une pièce algéroise, etc. Les études universitaires de musique du chef d’orchestre en France n’ont, malheureusement, pas traité des modes arabes et encore moins algériens. Le fait d’avoir un diplôme universitaire de musique occidentale ne permet aucunement de percer les secrets d’un autre domaine issu d’une autre culture et d’une autre perception des choses. Le plus brillant des poètes français ne peut se permettre de donner des leçons de poésie au plus petit des poètes arabes. Zyriab n’a pas été à l’université occidentale mais a eu un maître, Ishaq El Moussili. Il y va de même de Sfindja, de Bentefahi, des Fekhardji, de Larbi Bensari, de Bouali, de Chaklab, de Hsouna, etc. Et pourtant l’histoire de la musique andalouse ne retient que les noms de ces maîtres et d’autres, issus de la tradition. L’érudition apportée par le solfège permet un complément bénéfique à la musique traditionnelle mais ne peut être utilisé pour dénaturer un patrimoine civilisationnel et universel unique. Quels sont les maîtres du chef d’orchestre national pour le Malouf et le tlemcenien ? Aucun. C’est vraisemblablement ce qui explique la déperdition des musiciens de talent qui n’ont pu évoluer dans cet orchestre et accepter cette mascarade. Un néophyte d’une tradition donnée, quelque soit les bagages qu’il détient par ailleurs, ne peut prétendre commander un groupe de musiciens ayant été formé par de véritables maîtres de cette même tradition. C’est un non sens.
5. Le système musical, l’expression dans la manière de chanter ou de jouer de l’instrument des musiciens constantinois sont différents de ceux d’Alger et de Tlemcen. En effet les joueurs de luth ‘arbi possèdent un jeu et une rythmique propre qui n’a rien à voir avec les joueurs de luth algérois et tlemceniens. De la même manière le violoniste du Malouf, instrument entre les genoux, tenant l’achet à environ 2/3 de sa longueur, possède un jeu de coup d’archet particulier. Comment peut-on arriver à un compromis avec ces différences fondamentales et prétendre former un ensemble homogène? Certains sons émis par les musiciens constantinois du fait d’un système musical propre, sont différents de ceux émis par les algérois et tlemceniens, ce qui donne l’impression que certains musiciens ont mal accordé leur instrument.
6. Autre anomalie avérée est la leçon de musique que donne le chef d’orchestre au début de chaque concert même si l’orchestre se reproduit 10 fois dans la même salle et en présentant le même programme. En plus de l’ennui suscité par cette leçon, les données expliquées sont biaisées et ne reflète exactement la réalité de la pratique de cette musique. En voulant schématiser le déroulement de la Nouba algérienne, le chef d'orchestre tombe dans le panneau de la tromperie en occultant délibérément certains aspects de la réalité. Je donne quelques exemples. Il explique que le msaddar a un rythme à 16 temps en évoquant et en jouant persister et signer que tous les Msaddars ont un rythme à 16 temps, ce qui est absolument faux. En effet, rares sont les Msaddars qui possèdent un rythme régulier à 16 temps. Les algérois n’étant pas habitués au rythme propre à la Nouba tlemcennienne se trouvent mal du fait du dépaysement, il en est de même pour les musiciens constantinois. Il explique également que le rythme du Btaihi est à 8 temps en faisant référence à Tlemcen également, mais n’évoque pas celui d’Alger et la particularité de celui de Constantine. En plus, quand il joue le Btaihi, la partie vocale est sur un rythme à 8 temps à la tlemcenienne et la réplique instrumentale est sur un rythme à 4 temps à l’algéroise, etc… C’est une incohérence manifeste dictée probablement par le désir de se démarquer et de bouleverser l’ordre habituel et donc dénaturer un patrimoine pour lequel des générations d’hommes et parfois de femmes, à travers les siècles, ont sacrifié une bonne partie de leur vie pour l’entretenir, le développer et le transmettre à leur tour. celui de Tlemcen mais en occultant le rythme d’Alger qui est 4 temps et le rythme particulier de Constantine qui n’a jamais été joué par l'ensemble, vraisemblablement, en raison de sa difficulté et de sa spécificité. L’orchestre exécute un msaddar algérois en lui collant comme support un rythme de Tlemcen, une façon de vouloir
7. Enfin, ce qui est très grave et que je dois absolument dénoncer est l’utilisation de la scène pour régler des comptes avec certains musiciens qui n’approuvent pas la démarche du chef d’orchestre. Le dernier évènement en date est le passage de l’orchestre national à Miliana, il y’a deux jours. Cet orchestre est venu à Miliana pour fêter l’anniversaire de l’association Ezziria dont j’étais le professeur et chef d’orchestre pendant 2 ans et demi et à qui j’ai laissé 8 noubas programme. Avec la bénédiction du directeur de l’administration et des moyens du ministère de la culture qui est un membre de cette même association et en utilisant les deniers publics à des fins de basse besogne, Mr le chef d’orchestre a commencé à tenir des propos calomnieux à mon encontre pour la simple raison que j’étais invité sur un plateau de radio pour donner mon avis technique sur le travail de l’orchestre national. Ce dernier est allé jusqu’à dire, devant une assistance venue écouter la musique, je cite : « je sais dénicher une tomate pourrie dans un cagot ; Mohamed SAADAOUI est un danger pour la cité, je vous conseille de faire attention à ce bonhomme », fin de citation. Est-il décent pour quelqu’un qui représente une institution culturelle et qui est à la tête d’un orchestre dit national et sur qui on a placé beaucoup d’espoir, d’agir de la sorte. Il s’est même permis de dire que les émissions de radio étaient dirigées en fait contre madame la ministre de la culture. Je réponds à ces allégations de la façon suivante : je ne vienne en Algérie. Je ne peux être contre quelqu’un qui a risqué sa vie en luttant pour que l’Algérie reste debout. Je n’ai donc pas de leçon à recevoir de quelqu’un dont l’objectif premier est la dénaturation de notre patrimoine andalou et l’humiliation de ses symboles. Par ailleurs, je tiens à préciser à ce Mr Guerbas que je suis un universitaire, Bac + 11, médecin spécialiste en pédiatrie, professeur de musique par passion depuis 11 ans, que ma mission est dans mon pays, auprès de mon peuple. Je ne me suis jamais servi de cette musique pour le moindre privilège, au contraire je paye de ma poche pour donner une éducation musicale aux jeunes de mon pays. Je rends ce qu’on m’a donné. connais Madame la ministre de la culture à travers son engagement pour la démocratie, son courage, sa résistance et sa lutte contre la horde terroriste avant qu’elle ne soit ministre de la culture et avant que Mr Guerbas
Mohamed SAADAOUI
Intervention de Mohamed Boutriche
Professeur au conservatoire d'Alger
Président et professeur de l'association
El Fen Wel Adab d'Alger
Ceci est l’intégralité de mon intervention à la chaîne 3 dans l’émission « arabesques » présenté par Mr Abdelhakim MEZIANI, intervention, malheureusement, coupée sans ambages après avoir été appelé chez moi pour donner mon avis sur le thème débattu à savoir l’orchestre national de musique andalouse. J’avais déjà écouté les précédentes émissions sur ce sujet et refusé de participer puisque les interventions, quoique pertinentes, venaient dans un seul sens pour répondre aux propos indélicats émanant du chef de l’orchestre " National " qui a traité tous les acteurs algériens de la musique andalouse de «Djouhalas». J’ai proposé alors un débat contradictoire digne de gens civilisés et responsables.
J’ai longtemps adhéré et même fut fondateur musicien de cet orchestre car au début j’ai été séduit par le projet qui consistait à constituer un orchestre avec l’élite Nationale et après une année, chaque élément devait parrainer un jeune pour perpétuer notre patrimoine sur des bases à la fois scientifiques et modernes.
Après plus de 05 années le but n’était pas atteint, il est vrai avec le travail désuet, on ne devait pas s’attendre à mieux. Le chef d’orchestre venait de temps à autre de Paris, remettait un CD ou une cassette et chacun se débrouillé comme il pouvait.
Il était convenu de ne pas toucher aux associations mais on s’est mis à les saborder. L’association El Djenadia de Boufarik a fait les frais puisqu’elle se trouve, actuellement, à l’arrêt en raison de la « fitna » créée par le chef de l’orchestre national en leur prenant des élèves sans le consentement de leurs dirigeants.
Plusieurs grosses pointures ont quitté prématurément l’orchestre devant l’attitude dictatoriale du chef d’orchestre à savoir M GHOUL Belkacem, BOUKLI HACENE Salah, BELGHERBIT, BENALI, BENKALAFAT ….etc. tous de Tlemcen ainsi que BOUNAAS Youcef, KHETTAT Rabah, Amine BENSEMRA, Djamel BENSEMAR de Constantine. BELKHODJA Kamal, REZKELLAH Abdelkader, MEHAMSSADJI Anis, entre autres, d’Alger et enfin moi-même.
Ce qui me chagrinait était le fait que, malgré que les deniers de l’état coulant à flots, on se produisait, durant près de 30 tournées sur tout le territoire National, dans des salles comprenant à peine 10 à 15 personnes. Lorsque je demandais le pourquoi, on me rétorquait que l’information ne passait pas. Pourtant, à chaque ville, nous étions attendus par les directeurs de la culture et étions hébergés et nourris à grand frais !
Du point de vue technique, il fut impossible de faire ressortir l’âme, la couleur et la spécificité de chaque école par l’orchestre National. Dans la composante Algéroise seuls 2 ou 3 éléments étaient valables, les autres avaient tout juste le niveau d’une classe moyenne d’une association ( surtout les violonistes filles). La composante de Tlemcen était réduite à 04 éléments, certes, doués, mais n’avaient pas l’envergure de ceux qui ont quitté l’orchestre. Le groupe de Constantine composée de 07 éléments très doués, chevronnés, dominait l’orchestre, surtout la flûte Constantinoise. Bref, il faut avouer qu’aucun musicien ne se reconnaissait dans sa propre école.
En plus de 05 années, l’orchestre National n’a présenté que 03 extraits de noubas à savoir DIL, MEZMOUME et SIKA alors que dans les associations ce chiffre peut être multiplié par 4. Certains dirons que je critique l’orchestre parce que je n’y figure plus, je dirais que cela faisait longtemps que je devais arrêter si ce n’était les encouragements de M SAADAOUI car au début on croyait à ce projet mais je constatais que les pièces de la çan’a d’Alger étaient déformées et j’en faisais régulièrement la remarque au chef d’orchestre. Aussi, je ne voulais pas quitter le bateau (comme me disait le chef de l’orchestre nous réussirons ou nous échouerons ensemble). Seulement, le lâchage lâche l’a été par le chef de l’orchestre qui m’a déposé sans aucune considération pour mon expérience en invoquant le fait que je ne chantais plus et cela à cause de l’intervention chirurgicale que j’avais subit. Je lui rappelle qu’il y a deux années, lors d’un voyage en Espagne avec l’orchestre, je lui ai fait part de mon désir de quitter l’orchestre, il a alors rétorqué qu’il n’en sera pas question en disant, je cite : "j’ai besoin du jeu de ton luth, de tes connaissances et de ton expérience ".
Signe de bricolage et de non respect pour son orchestre est le fait d’intégrer dans l’ensemble le directeur de l’administration et des moyens du ministère de la culture pour jouer du bendir dans la nouba (encore une trouvaille) et que ce dernier ne chantait pas et n’ouvrait la bouche pendant le concert, que pour respirer ou tousser. Comme copinage et favoritisme on ne ferait pas mieux.
A propos du fonctionnement de l’orchestre, il était convenu, au début, que chaque musicien devrait percevoir un montant de 10.000,00 DA par représentation. Les sommes d’argent sont virées dans la compte particulier des musiciens ce qui était réglementaire, ensuite le chef décida de nous retirer 3.000,00DA en ramenant le cachet à 7.000,00 DA. Mais ce qui est plus grave c’est que les montants en espèces sont remis en mains propres sans que le bénéficiaire ne signe une quelconque décharge ou pièce comptable. En ma qualité d’inspecteur principal du Trésor, chef de brigade des inspections – contrôles et vérifications de tous les établissements publics à caractère administratif- je n’en revenais pas d’une telle irrégularité. Il est élémentaire de savoir que tout achat doit faire l’objet d’une facture et tout paiement surtout en espèces doit être accompagné d’une pièce (état de paiement ou décharge). Cela s’appelle une comptabilité occulte. Je défie quiconque de me présenter une pièce signée de ma main. Lorsque j’ai essayé de comprendre on me rétorque que cela ne me regardait pas et que je devais prendre mon dû, c’est tout. Si ce n’était mon honnêteté je pourrais dire que je n’ai rien reçu. En outre, les membres de l’orchestre ne possèdent ni contrat ni assurance.
Devant ce bilan désastreux et le gaspillage des moyens colossaux mis à sa disposition, ce chef d’orchestre, s’il avait une honnêteté et une conscience, devrait quitter la table dignement même si elle est bourrée de dinars.
La constatation étant faite, à mon humble avis, il faudrait 03 orchestres nationaux, chacun donnant l’empreinte de son école pour mieux montrer la diversité de notre musique et pour permettre aux musiciens de mieux s’exprimer.
Maintenant, à vous de juger et de conclure.
Mohamed BOUTRICHE
Intervention de Sid Ahmed Serri
Digne héritier de la lignée Sfindja-Benteffahi-Fakhardji
Maître et dépositaire du patrimoine d'Alger
Président de la fédération nationale de musique classique algérienne
J’ai écouté, sur la chaîne de télévision « Canal Algérie », il y’a quelques jours, une Nouba dans le mode Sika exécutée par l’orchestre national ou dit national, soupoudrée aux couleurs des trois styles de musique andalouse ou « andalousienne » selon l’appellation nouvellement suggérée.
Je considère que la création de cet ensemble est intervenue unilatéralement, sans aucune consultation préalable avec les hommes de l’art, ce qui relève malheureusement d’un manque de discernement, dangereux pour l’avenir d’un patrimoine séculaire que l’on daigne coûte que coûte à sauvegarder et à transmettre aux futures générations.
Il est, cependant, heureux de constater, qu’avec ou sans l’aide matérielle des pouvoirs publics, des associations se créent et se multiplient à travers le territoire national, formant des milliers de jeunes aux arcanes d’un héritage précieux dont ils apprennent, au fil des ans, à en découvrir toute la beauté et la valeur à la fois historique et émotionnelle. Il est heureux également de relever chez un nombre croissant de ces associations, que grâce au travail inlassable et au dévouement de leurs responsables, elles sont en mesure d’aligner un ensemble d’excellente qualité sur le plan technique ; en comparaison, l’orchestre national, avec les moyens dont il dispose, devrait faire preuve de beaucoup d’humilité pour mériter son titre. Je considère que le contexte dans lequel il a été créé et l’objectif pour lequel je mets la plus grande réserve, j’estime plus raisonnable qu’il soit mis fin à cette aventure qui n’a aucun avenir.
Que l’on mette bien en tête, que quoi que l’on fasse, les trois écoles d’Alger, de Constantine et de Tlemcen, qui sont notre fierté et notre richesse, continueront d’exister comme elles ont toujours existé.
Sid Ahmed SERRI
Intervention de Bachir MAZOUNI
Professeur au conservatoire d'Alger
Secrétaire général de l'association El Djazira
Il est vraiment désolant de constater aujourd'hui que la musique andalouse dans notre pays soit devenue un programme de machination et de manipulation mercantile au profit de personnes douteuses faisant fie de l'ensemble de nos valeurs et des efforts consentis pour la sauvegarde de notre patrimoine musical andalou et de notre identité culturelle.
La création de l'orchestre national andalou est venue pour détruire tous les efforts consentis depuis plusieurs décades déjà par nos valeureux Chouyoukh, Maîtres et les Associations.
Une boite de musique pleine de fausses notes, voilà ce qu'est l'orchestre national, voué inévitablement à un échec sans aucun doute.
Il aurait été plus judicieux d'établir un programme de consultations auprès des principaux concernés, sans omettre bien entendu les différentes associations qui sont la cheville ouvrière de ce patrimoine musical andalou.
La solution réside tout simplement à reconsidérer la constitution de cet orchestre national tout en essayant d'étoffer de manière conséquente les trois orchestres régionaux Tlemcen, Alger et Constantine.
Elaborer pour ces orchestres, des programmes de formation et d'enseignement en matière de technicités instrumentales afin de pouvoir accéder à une prestation de niveau supérieur et de qualité.
Enfin, aller vers la recherche et la création de mode nouveau pour remplacer tout au moins les quelques modes disparus.
Bachir MAZOUNI